Texte 7
De la solitude naît la rencontre, et, avec elle l’espoir. L’espoir.
L’espoir est un fruit. Est-ce poire, cerise ou potimarron, il nourrit.
Les estampillés « sans-papiers » chantent avec ceux qui se révoltent
contre la politique de non-accueil : « fatigué de la peur, fatigué de
l’espoir, fatigué de tout, je veux dormir, mais je n’abandonne
pas ! ». Chanter serait un espoir ? Entre la poire et le fromage
c’est souvent là que se récoltent les fruits de la rencontre. Mais comment
partager un repas quand on est mis en quarantaine ?
À la résidence autonomie pour personnes âgées de Mermoz, première vague du
covid, l’injonction « interdiction de sortir » a été imposée. Portes
closes. Qu’à cela ne tienne, nous allons ouvrir les fenêtres. Les
« enfermés » aux fenêtres, « les autorisés à sortir » au
bas de l’immeuble dans la rue ; c’était l’anniversaire de la Commune de
Paris alors on a commencé par chanter « Le temps des cerises ». De
chansons, en jeux de mots, en poèmes, en blagues du jour, le rituel de la
rencontre était donné. Les passants s’arrêtaient, les familles prenaient leur
laissez-passer pour être là, à l’heure dite.
Par cet hôte nommé virus, on a ôté nos préjugés. On s’est mis à échanger.
En français « hôte » désigne aussi bien la personne qui ouvre sa
porte que celle qui en franchit le seuil. 2e vague. Ne refermons pas
les portes. Réinvestir la notion d’hospitalité sans finir à l’hôpital, se
prémunir sans fermer et si l’un tombe le relever. Avec le médecin référent, on
a redéfini les mots : c’est quoi un thérapeute ? C’est quelqu’un qui
éveille, voire convoque, le thérapeute qui est en chacun de nous.
Oh, un cadavre exquis se doit d’être court, alors sans aller trop vite, encore
un mot : jouer sur la sonorité et la polysémie des mots (comme
l’éphéméride est-il un effet de l’âge ?), c’est un peu tourner sept fois
la langue dans sa bouche pour une résonnance plus juste du langage : ici
dans cette résidence, en jouant sur les mots il est une nuance de taille qui
s’est fait jour entre salariés et pensionnaires et qui revient à la définition
première d’hospitalité : on ne fait pas « pour » l’autre, on fait
« avec ». Le 21 juin, les dits « sans-papiers » sont venus
chanter dans le jardin de la résidence et les immeubles autour en ont été
éclaboussés : avec timidité, une jeune à sa fenêtre s’est mise à jouer des
castagnettes, on lui a emboîté le rythme, olé !
Qui est l’hôte dans cette histoire ? De l’hôte à l’autre il n’y a qu’un
« r » de musique à inventer. Ce m’en semble, que c’est peut-être ça
l’hospitalité.
Sophie Gentils
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