Texte 3
Extravaguer
chuchote l'un.
L'hospitalité, c'est justement accueillir celui qui n'était pas prévu. Brrrr !
C'est très déstabilisant, l'hospitalité.
Je pense être un instable. Pas seulement parce que j’ai un comportement de savonnette qui me fait glisser constamment d’une activité à l’autre, mais parce que la stabilité m’ennuie, m’effraie, me liquéfie. Il n’y a que les statues qui sont des objets immuables, invariants, stationnaires. Les statues sont conçues pour être pérennes en leur état. Elles sont du genre bidule statique, leur inertie dans les musées ou les jardins publics me démoralise. Je suis instable parce que je n’ai pas envie de me dissoudre dans l’invariant. Ondule en moi une hostilité quasi permanente à ce qui se reproduit à l’identique.
Être instable
est très inconfortable pour les proches, pour les collaborateurs. Je les entends :
c’est fatigant d’être constamment avec un nomade qui change volontiers de toit,
dont le comportement fluctuant nécessite une constante réadaptation. Me
chercher toujours ailleurs que là où on pensait me trouver. Et je
réponds : comment envisager un monde en marche s’il est fait de piquets
enrobés dans un bloc de béton enraciné pour être certain qu’ils seront toujours
là où on les a placés ?
Justement
l’éducation, qui consiste à extraire les gens de là où ils pensaient se
pelotonner, les conduire ailleurs que dans le bien-être de leur cocon, est
germe d’instabilité. Et c’est une bonne chose. Si on veut grimper, il faut
passer d’un barreau à l’autre de l’échelle, donc progresser en acceptant de
quitter une position stable et courir le risque d’atteindre la suivante.
Qu’il faudra évidemment quitter également dans l’instant d’après.
Votre honneur,
je plaide coupable et demande acquittement pour ne jamais rester là où on
estime que je devrais être.
Gérard Authelain
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